dimanche 24 janvier 2016

Quelques pas dans la neige



Il a neigé à Hurtebise.
Le soleil et la neige immaculée m'attirant irrésistiblement, j'ai accepté l'invitation intérieure à une petite promenade. Après avoir quitté la foule des skieurs du week-end tout heureux de pouvoir enfin profiter des plaisirs hivernaux, je me suis dirigée vers un lieu moins fréquenté.
Je marchais depuis quelques minutes déjà attentive aux traces d'animal laissées dans la neige lorsque j'aperçus, s'aventurant hors des sentiers battus, l'empreinte de pas humains. Sans trop réfléchir, un peu par goût d'aventure, je les ai suivis. La neige n'était pas tassée à cet endroit et je m'enfonçais rapidement jusqu'au dessus des genoux. Il fallait effectuer de grandes enjambées pour avancer. Je ne voulais pas abîmer davantage la couverture lisse et uniforme de la neige par des pas supplémentaires. Je me suis donc scrupuleusement attachée à ces traces. Et puis, ces pas menaient quelque part, je ne savais pas où, mais il y avait là un chemin possible et praticable.

Je me suis arrêtée souvent. Les rayons du soleil d'après-midi caressaient le paysage, se glissaient entre les arbres, projetaient les ombres... Le doux murmure d'une cascade dans ce cadre féerique invitait à la contemplation. Tout était cadeau ravissant mon regard, mes oreilles, tout mon être.... et conduisait mon cœur à louer le Créateur de ces merveilles... « Si telle est la splendeur de cette nature, combien plus beau encore doit en être leur Auteur... » Louange à Dieu maçonnant peu à peu un rempart solide et efficace contre toutes formes de mal...[1]

Cette expérience me conduisit à y reconnaître une parabole de vie...
Un Autre avait parcouru, avant moi, un chemin d'humanité, hors des sentiers battus... Ce sentier étroit qu'une foule ne repère peut-être pas spontanément. Ces traces qui se révèlent à celui qui veut bien ralentir le rythme, qui consent à se laisser dépasser par tous, quitte à devenir apparemment le dernier... A celui qui se laisse entraîner dans le silence et la solitude intérieurs pour se retrouver avec soi-même, avec Dieu même, au plus intime de l'Être. 
Et ce chemin tracé, demandant parfois un peu d’effort, se révèle sûr, sans piège aucun... A condition que j'accepte de mettre mes pas dans ces pas, sans m'écarter au risque de glisser, de m'enfoncer démesurément, voire de tomber. Mais je suis invitée à la confiance... Oui, si je te suis fidèlement, Seigneur, je serai menée au « port » désiré[2] : vers ces paysages intérieurs de beauté et de bonté qui nourrissent l'âme et l'amour...

Les cloches du monastère se mirent à sonner, invitant à la prière commune, à la prière pour le monde. Ces pas laissés dans la neige me conduisirent à rejoindre la communauté pour, ensemble, marcher à la suite de Celui qui nous précède sur le chemin... Un chemin vers soi, vers Dieu, vers les autres.
  
                                                                                                                                            Florence




[1]              Ps 8,3 : « Ô Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par toute la terre ! Jusqu'aux cieux, ta splendeur est chantée
                par la bouche des enfants, des tout-petits : rempart que tu opposes à l'adversaire, où l'ennemi se brise en sa révolte. »
[2]              Ps 107,30 : « Il les mena jusqu'au port de leur désir. »

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