dimanche 27 septembre 2015

Dieu aime celui qui donne avec joie

Au long des 73 chapitres de la Règle, les indications concrètes abondent en vue d’une vie communautaire (familiale, ou dans tous les groupes que nous fréquentons) qui permette à chacun de vivre au quotidien selon l’Evangile.
Mais un outil fondamental que Benoît avance, c’est l’obéissance. Sans doute beaucoup d’Amis d’Hurtebise diront que voilà bien une chose réservée aux moniales ! Rien n’est moins sûr ! Chacun et chacune, là où il vit, est appelé à « obéir » sans cesse : obéir au supérieur peut-être (chapitre 5 de la Règle), s’obéir les uns aux autres (chapitre 71), « obéir » aux événements… !
« L’obéissance sans délai convient à ceux qui n’ont rien de plus cher que le Christ. »
Cette phrase est belle : pas le moindre relent de volontarisme, d’imposition, de renoncement… c’est tout l’inverse : on y parle d’abord d’amour… alors, l’obéissance me convient… quelle douceur !
En fait, le chapitre 5 débute ainsi : « Le 1e degré de l’humilité est d’obéir sans délai »
« L’humilité, c’est la vérité » I Co 13,6
Vivre l’appel à l’obéissance comme une invitation à être dans sa vérité, à apprendre alors à lâcher prise sans se préoccuper de défendre ses intérêts, ses droits, ses acquis … L’obéissance, une école de vérité… et cette vérité, nous ne pouvons que la recevoir.
La grâce de l’obéissance, en nous dépouillant de nous-mêmes, permet de percevoir que notre vérité, c’est que nous sommes aimés tels que nous sommes. L’obéissance est cet abandon qui conduit à l’humble amour de soi-même, dégagé de tous les faux-semblants qui nous donnent l’impression d’être quelque chose, alors que nous sommes infiniment plus grands.
De soi, l’obéissance ne s’adresse qu’à Dieu car c’est renoncer à organiser sa vie à sa guise pour essayer de discerner la volonté de Dieu. Dieu parle par ses commandements, l’autorité, les invitations des frères, les événements du quotidien, les inspirations de l’Esprit Saint. Celui qui n’entend pas la voix de ses frères, n’entendra jamais le murmure de Dieu.
Le Seigneur dit à ceux qui enseignent : Celui qui vous écoute m’écoute
Avec cette phrase d’Evangile, St Benoît revient à l’Ecoute !
Répondre à un appel, une attente, avec discernement, c’est d’abord l’entendre, l’écouter… dans ses différentes harmoniques. En quelque sorte, se laisser enseigner par les circonstances, effectuer un changement d’angle de vue, une sortie de soi ; cela dans le concret de la vie de chaque instant !
Il y a une qualité de l’obéissance : « sans délai ». Mais pourquoi cette insistance sur la rapidité ? Benoît le répète au moins 10 ou 12 fois dans ce court chapitre. Cet empressement m’évoque la disponibilité, l’ouverture, l’accueil… la confiance aussi vis-à-vis de l’autre que Dieu met sur ma route ou face à la circonstance que Dieu m’appelle à vivre
L’obéissance peut donc se vivre dans la simplicité, la sérénité puisque son seul but est de croître en amour, de faire la volonté du Père, comme Jésus l’a vécue.
 « Dieu aime celui qui donne avec joie » (5,16)

dimanche 20 septembre 2015

Qui désire le bonheur ?

Je vais vous parler cette semaine d’une « toute petite règle écrite pour des débutants » (73,8).
S’agit-il de celle de St Benoît ? Certes ! Lui-même la qualifie ainsi dans sa conclusion.
Voilà qui nous rassure peut-être. Mais à qui s’adresse-t-il vraiment ?

Imaginez une grande foule, et, au milieu d’elle, le Seigneur qui passe ! Et le voilà qui élève la voix, qui lance un appel à tous. Il dit « Qui veut la vie ? Qui désire le bonheur ? » Entends-tu cet appel ? Est-ce que tu réponds « Moi » ? (prologue 14-15).
Telle est la question que pose Benoît à celui qui entrouvre sa Règle. Voilà à qui s’adresse sa Règle !

Essayons donc de la découvrir ensemble.
Elle fut écrite au milieu du 6e siècle ; c’est dire la distance qui nous en sépare au niveau des formulations, du mode de vie. Inutile donc de commencer par lire ces chapitres où certains comportements nous semblent bien étranges.
Par cette distance même – écrits sœur Lazare de Seilhac - la Règle rejoint les expériences humaines les plus fondamentales et les plus quotidiennes.

Car la Règle n’est pas un traité théologique : après quelques chapitres de doctrine spirituelle, l’essentiel est constitué d’instructions pratiques qui doivent régir la vie du monastère : comment les frères doivent chanter l’office, travailler, mais aussi dormir, manger… En quoi ces détails de nourriture et de vêtements de moines du 6e siècle peuvent-ils bien nous concerner ?
Si nous savons saisir leur esprit et ainsi nous en inspirer, nous comprendrons combien c’est par la pratique quotidienne que l’Esprit va transformer l’être de chacun. Benoît insiste à de nombreuses reprises sur la vie fraternelle, et toujours jusque dans le concret des relations. Voilà qui nous rejoint aussi, car nous sommes tous au cœur d’un réseau de relations.

Mais par où commencer si nous n’avons jamais tenu ce livre en main ou si – cela est fréquent – une première approche, une lecture hors contexte, nous a rebutés au point de nous en détourner ?
Permettez-moi donc quelques conseils !
-          Choisir une traduction dans un langage qui nous est proche, familier. A titre d’exemple « La Règle de Saint Benoît » de l’Abbaye de Bellefontaine (La tradition, source de vie n°2)
-          S’aider dès le départ par un commentaire de la Règle. Il existe des quantités d'ouvrages, dont de nombreux à l’usage des laïques. Pourtant, mon préféré est constitué des commentaires fait par Dom Guillaume aux moines de l’abbaye du Mont des Cats quand il y était abbé. Quel que soit son état de vie, le lecteur y puisera aisément de quoi se nourrir. (Sur un chemin de liberté, Dom Guillaume Jedrzejczak, éd. Anne Sigier 2006)
-          Commencer par le prologue. Non pas tant parce qu’il est au début… mais parce qu’il fonde et résume toute la portée des autres chapitres; même si l’on y trouve une fois les mots de vie religieuse ou de monastère, qui le lira le transposera aisément dans sa propre vie et se laissera donc interpeller.
-          A l’occasion, rejoindre un groupe pour en discuter : c’est ce qui est proposé deux fois par an aux Amis d’Hurtebise !

Benoît veut une communauté où tout est ordonné à la recherche de Dieu.
Tel est bien finalement l’élan de sa Règle. Telle est notre vocation à tous.

La Règle, une vraie lumière sur le chemin, dont nous découvrirons la prochaine fois quelques pépites, juste pour en donner le goût…

dimanche 13 septembre 2015

Amis.. de Saint Benoît ? (suite)

La semaine passée, nous avons laissé Benoît dans sa grotte d’ermite à Subiaco. Saint Grégoire raconte que, quittant sa charge d’abbé du monastère de Vicovaro, « il retourna au lieu de sa bien-aimée solitude, et il habita avec lui-même sous l’œil du Spectateur d’en haut ».
Par cette vie même, il attira beaucoup de gens qui voulaient se réunir là au service de Dieu. Si bien que Benoît y fit construire 12 monastères où il envoya 12 moines. Mais la renommée de Benoît et de son style de vie allant grandissant, la jalousie apparut chez certains, notamment chez le prêtre de l’église voisine, au point que celui-ci en voulait à la vie de Benoît. Devant une telle haine, Benoît changea à nouveau de lieu et partit avec quelques moines vers le Mont Cassin pour y construire un monastère.
C’est dans cette communauté du Mont Cassin que Benoît commença à rassembler les éléments de cette Règle qui est finalement la chose la plus connue, et la plus précieuse, qu’il nous ait laissée.
La force de la Règle de Benoît vient sans doute de plusieurs ancrages : d’abord son intimité avec son Dieu, son désir de ne vivre que pour lui seul ; son expérience de diverses communautés monastiques, sa fine connaissance et sa grande lucidité sur les difficultés et la richesse de la vie communautaire ; sa grande connaissance de l’Ecriture qui rejaillit à toutes les pages de la Règle ; et enfin, l’inspiration puisée dans l’héritage de plusieurs siècles de monachisme qui l’ont précédé et qui avait déjà produit diverses règles.
Benoît va écrire pour les moines du Mont-Cassin en envisageant sans doute que sa Règle puisse être utilisée dans d’autres monastères d’Italie. Finalement elle sera, d’une façon ou d’une autre, la Règle de base de presque tous les moines et moniales cénobites, c’est-à-dire vivant en communauté.
Si la Règle est destinée à guider les moines dans leur chemin de conversion, elle est aussi comme un miroir qui nous permet de mieux connaître Benoît, non plus dans son action, mais de façon plus profonde. « Si l’on veut connaître avec plus de précision sa façon de vivre, on peut trouver dans les leçons de cette Règle tout ce dont il a montré l’exemple » écrit Saint Grégoire dans son admiration pour Benoît.
Et, la semaine prochaine, nous entrouvrons la Règle de Benoît…

Rosy

dimanche 6 septembre 2015

Amis... de Saint Benoît ?

Mais pourquoi souhaite-t-on être amis d’Hurtebise ?
Parce que quelque chose nous attire dans ce monastère, quelque chose qui nous fait du bien, qui nous fait grandir, qui nous fait progresser sur notre chemin…
Peut-être quelque chose qui nous aide dans l’approfondissement de notre foi, qui nous fait mieux percevoir les appels de Dieu sur notre route…
La nature, le calme, les rencontres, le silence, la prière, la présence de la communauté monastique, tout cela y contribue.
Mais Saint Benoît ? Et sa Règle, qui est comme la boussole d’une communauté bénédictine ? En quoi cela concerne-t-il les Amis du monastère ? Doivent-ils s’y référer eux aussi ?
Les Amis ne « doivent » en rien s’engager en quoi que ce soit : une amitié est gratuite !
Libre bien sûr à chacun de s’inspirer de sa propre spiritualité tout en se liant d’amitié avec Hurtebise !
Il est pourtant fréquent que ceux qui passent au monastère s’interrogent sur la personnalité de Benoît. Alors, pour eux, allons quelque peu à sa rencontre.
La biographie de Benoît est peu étoffée. Lui-même a peu écrit – à part sa Règle bien sûr – et ses contemporains n’ont pas cru bon de nous laisser des documents qui auraient pu devenir des sources historiques : auraient-ils pu deviner que Benoît deviendrait le père du monachisme d’Occident et… le patron de l’Europe !
Nous savons que Benoît a vécu dans une période à cheval sur les 5e et 6e siècles, mais les dates de sa naissance et même de sa mort sont assez obscures. Il est né à Norcia, un bourg d’Ombrie, dans une famille noble et chrétienne. Il semble qu’adolescent, il ait été étudié à Rome, accueilli chez un membre de sa famille relativement aisé. Dans l’église St Benoît du Trastevere, on peut se recueillir dans une petite cellule qui aurait été sa chambre d’étudiant. Si ce lieu est évocateur, rien ne dit qu’il soit historique.
Saint Grégoire le Grand, qui raconte, de façon très imagée, des épisodes de la vie de Benoît, nous dit qu’il quitta Rome et son agitation «savamment ignorant et sagement inculte ». Il se rend alors à Subiaco et choisit d’y vivre en ermite. La réputation de sa sainteté se propage déjà et les moines de l’abbaye de Vicovaro viennent le supplier d’être leur abbé. Après bien des résistances, Benoît finit par accepter, mais, comme il l’avait craint, ses exigences ne conviennent pas à ces moines qui tentent même de l’empoisonner. Benoît renonce alors à sa charge d’abbé et revient à sa grotte/ermitage.
C’est donc dans la solitude, le silence, le cœur à cœur avec son Dieu, que se mûrit la personnalité de Benoît et que se prépare l’œuvre qu’il va nous laisser.
Ainsi, quand nous venons au monastère et que nous en goûtons la paix, l’environnement propice au recueillement, nous partageons bien un des secrets de Benoît…
Il y en a bien d’autres… et ce sera pour un prochain article…

Rosy