dimanche 28 février 2016

17 manières de prier sans en avoir l'air

En écho à la Journée des Amis,
Pierre nous propose ce texte de Maurice Bellet.

- Marcher de long en large
dans une église romane, belle, assez grande
Saint Philibert de Tournus par exemple
ou dans une église gothique, Chartres, Reims, Bourges
ou baroque, comme la Wieskirche
et ne penser à rien, rien du tout,
laisser le regard errer, laisser la pierre chanter, laisser le lieu dire
et s'en aller; au bout d'un temps, sans aucune hâte.

II - Lire un livre de forte pensée avec un désir fort de la vérité
sans avidité de savoir, sans prétention à disputer
mais par goût, par amour de la vérité.
Ouvrir la porte profonde à toute pensée qui vient 
et la laisser demeurer en paix
afin qu'elle vienne à porter son fruit.

III - Ouvrir la Sainte Ecriture, 
ouvrir seulement le Livre et partir en songerie
imaginer son propre livre, se raconter des histoires
laisser remuer ses propres vieux mythes 
de cruauté, de triomphe, de sensualité, de désespoir
d'amour, de charité
avec le parfait narcissisme de ces choses-là
et lire, dans le texte, deux mots.

IV - Dire une demande du Notre Père, une seule, une seule fois.

V - Se désoler infiniment de ne pas prier
gémir intérieurement tout le jour d'être incapable 
de la moindre invocation, la moindre lecture, pas même de l'Evangile
d'être là froid, sec, absent et heureux ailleurs
sans Dieu, sans Christ, sans tout ça
et en souffrir et décider enfin de s'en remettre là-dessus à Dieu
et attendre, hors de toute pensée.

VI - Dormir et le cœur veille.



dimanche 21 février 2016

La prière du coeur

Un écho de la Journée des Amis

La prière du cœur, un trésor enfoui dans le champ…

Envahi par le bruit et les images et submergé de préoccupations de toutes sortes, le chrétien risque de perdre son âme. Une très antique tradition orientale appelée Prière de Jésus ou Prière du cœur peut, si nous y sommes appelés, nous conduire à prier, à nous souvenir de Dieu « en toutes circonstances » comme le recommande Saint Paul.

Il s’agit de l’invocation du Nom de Jésus, du Kyrie eleison : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi pécheur.

Dans la liturgie de ce  premier dimanche de Carême, l’Epître aux Romains nous lançait un rappel : « Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés  ».

Chaque terme de la prière a sa signification : le Seigneur est le ressuscité, Jésus signifie Dieu qui sauve, Christ est le Messie, le Fils est le premier né par lequel nous devenons fils adoptifs et cohéritiers et nous donne d’être enfants du Père. La pitié est la demande de la miséricorde gratuite, pour le pécheur, le publicain qui ne fait pas valoir ses mérites.

La fréquence de la prière a pour but de nous familiariser avec la présence du Seigneur. Elle permet à nos cœurs de pierre de se dilater progressivement au fur et à mesure de la vie spirituelle (cfr la fin du Prologue de la Règle de Benoît). Il s’agit d’un combat quotidien : «  Il faut beaucoup et longtemps combattre, pour que l’ennemi soit rejeté, et que le Christ habite en nous » (Jean Chrysostome)  L’incessante prière finit par unifier notre personne, simplifie notre regard, nous conduit à la paix intérieure.

L’invocation du Nom du Seigneur a une signification eucharistique (viatique pour notre route terrestre), ecclésiale (communion des saints), spirituelle (avec l’Esprit, nous devenons des témoins). Elle est charité et bénédiction pour les personnes que nous rencontrons, elle est chemin vers le Père grâce au Christ qui nous y conduit. Elle est enfin participation à la vie trinitaire : «  Vaincre la déchirante division du monde par la contemplation de la Très Sainte Trinité » (Saint Serge).

Le pèlerin russe a découvert ce trésor enfoui dans le champ de son cœur : « l’invocation continuelle et ininterrompue du nom de Jésus par les lèvres, le cœur et l’intelligence, dans les sentiments de sa présence, en tout lieu, en tout temps…Celui qui s’habitue à cette invocation ressent une très grande consolation et le besoin de dire toujours cette prière… ».

Alain
Une référence :
Michel Evdokimov, Ouvrir son cœur, un chemin spirituel, Desclée de Brouwer, 2004

dimanche 14 février 2016

Un nouveau chantier

Et nous y voici en carême !
Le chantier de l’église est bien lancé, il entre dans la phase des « plus que »…  phase qui demande du suivi, de l’investissement laborieux, mais qui ne demande plus trop de réflexion assidue… alors nous pouvons commencer à penser à un autre chantier, plus important encore 
Je vous propose en ce temps de carême, de mettre en chantier nos cœurs. Pas le chœur, mais bien nos cœurs, nos cœurs personnels et notre cœur communautaire. C’est l’année de la miséricorde, il y a le mot cœur dans la racine de miséricorde. Je vous propose de fixer comme objectif de ce carême d’œuvrer pour recevoir un cœur plein de tendresse, de compassion, un cœur aimant. Si l’église renouvelée nous invite à faire toujours davantage communauté, rassemblée par le Seigneur, que tout notre quotidien soit lui aussi porteur de cette réalisation.
Nous avons mis en chantier notre église, et j’étais frappée au long de la réflexion et de la mise en œuvre, par le fait que nous ne faisions pas tant du neuf, que de la mise au jour. Nous ne faisions qu’un polissage supplémentaire de cette église qui nous a été léguée par nos fondatrices, par nos aînées. Comme lorsqu’un artisan sculpte une statue. Il commence par dégrossir la pierre, ou le bois, la matière première, et peu à peu en dégage la forme, puis au départ de cette forme, il affine, à petits coups de ciseaux ou de burin, et de temps en temps, il remet son œuvre en chantier, retrace un trait, …
C’est une belle parabole. En effet, nos cœurs sont encore davantage que l’église, temples du Seigneur. Tous au plus profond de nous, nous sommes habités par la divine présence. Tous nous avons été créés beaux, bons, aimés, aimables. Nous avons été créées par Dieu, à son image et à sa ressemblance, et puis le péché a terni son œuvre.  
Mais, nous demeurons temples de Dieu, et la splendeur de notre cœur, est bel et bien là, même s’il faut travailler pour la mettre au jour, la laisser s’épanouir, resplendir. Non point par orgueil, non point par volonté d’être reconnu, par désir d’éblouir, mais simplement pour répondre à l’appel qui nous est lancé : appel à être, appel à vivre, appel à aimer. Dieu souhaite remettre en chantier nos cœurs, pour les libérer, les rendre à leur beauté originelle. 
Voilà bien le sens du carême. 
Passons de l’aménagement du sanctuaire extérieur, à l’aménagement du sanctuaire intérieur.

dimanche 7 février 2016

Une rencontre bénédictine œcuménique (2)

La première partie du récit de cette rencontre est parue dimanche passé.

Le frère Renaud, prieur du monastère de Wavreumont, a accepté d'animer notre retraite sur le thème de la vie en communauté. C'est simple, concret mais bien  étayé par la Parole de Dieu dans la bible, la Règle de Benoît, les philosophes et auteurs anciens et modernes (Homère, Socrate, Kant qui était protestant, etc). Rien qui puisse heurter les sœurs de Pomeyrol mais plutôt un partage de sa propre expérience de prieur, d'un frère… Cette retraite suivie conjointement par nos deux communautés amies est très appréciée par tout le groupe, de même que le choix de l'animateur.

Lorsque la retraite est finie, grande après-midi communautaire. Les sœurs de Liège, de Pomeyrol et de Ste-Gertrude se rassemblent. Nous visionnons "Protestantisme et vie monastique" une émission passée récemment à Présence protestante du dimanche, consacrée cette fois aux communautés œcuméniques.

Dimanche, les sœurs de Pomeyrol demandent à rencontrer Philippe Robert, dont elles ont adopté plusieurs hymnes. Il leur parle du sanctoral, de certains offices particuliers, de l'ordinaire de la messe etc… sans réaliser qu'il s'adresse à une communauté protestante. Après rectification, la conversation se poursuit très cordialement. Petite note amusante : Philippe Robert a passé plusieurs fois des vacances à Saint-Etienne-du-Grès, ignorant l'existence de cette communauté. Les sœurs de Pomeyrol vont ensuite au culte de la Sainte-Cène au Temple Lambert Lebègue. Six ou sept sœurs bénédictines les rejoignent, ce qui touche beaucoup les sœurs de Pomeyrol. Le pasteur est averti de cette présence inhabituelle et choisi, comme il le fait parfois, les mêmes lectures que l'Eglise catholique : la veuve de Sarepta et l'obole de la veuve (Marc). Cette fois, ce sont les catholiques qui ne communient pas. Le moment est émouvant, on voit quelques larmes. Par sa valeur symbolique cette célébration nous marque davantage encore. Pendant la communion des fidèles, on passe un plateau de petits verres à moitié remplis ! Nous apprenons que c'est devenu une obligation dans les églises protestantes de distribuer du vin sans alcool aux personnes qui ne peuvent communier au calice.
L'après-midi, nous visitons un peu la ville : la cathédrale Saint Paul avec ses nouveaux vitraux et la restauration du vitrail du Couronnement de la Vierge (1530); le palais des princes évêques... Le temps est superbe, bancs et terrasses sont occupés allègrement.

Merci chaleureux à la communauté de la PND qui a rendu ce séjour si fraternel. "Des sœurs modernes et ouvertes dans des bâtiments historiques, des vraies sœurs qui accueillent des sœurs, en communauté pour tout (prière, repas, logement), ça c'est la première fois que cela nous arrive" diront les sœurs de Pomeyrol. Ces quelques jours "œcuméniques" resteront un caillou blanc dans les annales des trois communautés.
 
sœur Marie-Pierre Fosse