Le verbe
« consoler », en hébreu, vient d’une racine dont la signification de
base est celle d’inverser un cours
d’action. Cela donne par exemple : « inverser la spirale négative
des humeurs », d’où « consoler ». Au sens réflexif, cela donne
« se repentir, se raviser », et ce sens est surprenant quand il a
Dieu comme sujet, par exemple juste avant le déluge, quand « Dieu se
repent d’avoir créé l’homme » (Gn 6, 6-7), ou encore après le péché du
peuple, quand Dieu se repent de sa colère (à la prière de Moïse : Ex 32,
14). Oui, la Bible dit qu’il arrive à Dieu de se repentir, de se raviser, de
changer d’avis…A ce moment, on pourrait dire aussi : « Dieu se
console ». Cela ne veut pas dire qu’il est versatile : c’est par
fidélité à lui-même, à sa justice autant qu’à sa miséricorde, qu’il garde au
cœur cette sorte de botte secrète : sa consolation, sa capacité d’inverser
le cours des choses sans entamer la liberté des hommes…
La consolation, dans le langage
biblique, désigne donc un renversement de situation. Et c’est cela que voit
Syméon, ce que l’Esprit Saint lui fait comprendre : Dans ce petit enfant
de 40 jours qu’un jeune couple vient présenter au temple, il voit la
consolation d’Israël, il voit le renversement de situation imaginé par Dieu
pour sauver l’humanité.
Là où tous voient un fils d’homme présenté à Dieu
par un couple, il voit le Fils de Dieu offert aux hommes. Un fils d’homme
offert à Dieu… le Fils de Dieu offert aux hommes.
Et il voit plus loin : il
voit aussi l’autre renversement que cela implique, à l’autre bout de
l’existence : il voit qu’en assumant la condition humaine par sa
naissance, Dieu endosse aussi la mort (lettre aux Hébreux) et il voit le
retournement que cela entraînera pour la mort : « par sa mort, il va
réduire à l’impuissance celui qui possède le pouvoir de la mort ».
Syméon voit tout cela, avec ce regard large que lui donnent
le grand âge et l’expérience, illuminée par la prière et l’écoute de l’Esprit.
Syméon fait le lien entre Noël
et Pâques. Il reçoit de Marie l’enfant de Noël et il remet à Marie l’enfant de
Pâques. Il reçoit de Marie un tout-petit qui ne suscite que tendresse et
émerveillement, il remet à Marie le Fils de Dieu déjà chargé de la gravité de
Pâques.
Avec Syméon, recevons de Marie
la Consolation d’Israël, le Fils de Dieu fait homme, le mystère du salut qui
renverse les perspectives et bouleverse les attentes.
Avec Marie, accueillons dans
nos vies l’enfant de Pâques, déjà ce « grand prêtre miséricordieux et
digne de foi pour les relations avec Dieu », qui entre aujourd’hui dans le
Temple, lui qui va souffrir jusqu’au bout, pour nous, l’épreuve de sa Passion
afin de nous libérer pour toujours de la crainte de la mort.
Sœur Marie-Raphaël, 2 février
2017
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